Timothée Duverger, codirecteur de l’observatoire de l’expérimentation et de l’innovation locales de la Fondation Jean-Jaurès, Fatima Bellaredj, déléguée générale de la CG Scop, Thierry Germain, expert associé de la Fondation Jean-Jaurès, Laurence Ruffin, PDG d’Alma, vice-présidente de la CG Scop, Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif, président de Coop FR et Christophe Sente, docteur en science politique et sociale à l’Université libre de Bruxelles ont rédigé ensemble une tribune parue dans Libération, afin de démontrer que la démocratie économique peut être un antidote à la crise politique.
En voici un extrait :
"Les sociétés coopératives et participatives (Scop) sont un rare exemple de démocratie dans l’entreprise, porteuses d’un nouveau travaillisme qui restaure la valeur du travail en lui redonnant un sens et une dignité.
Et si la crise démocratique que traverse notre pays avait son origine dans le «mal-travail» français ? Des conditions de travail mauvaises ou dévalorisés, un sentiment d’insécurité socio-économique ou un manque de capacité d’expression dans le travail constituent autant de ressorts pour le vote d’extrême droite, tandis que l’absence d’autonomie au travail favorise l’abstention. Le sentiment d’incertitude face à l’avenir et le manque de reconnaissance du travail alimentent la défiance envers les institutions.
Sans cesse remise sur le métier depuis la Révolution, la démocratie n’est jamais descendue dans l’entreprise, à l’exception notable des sociétés coopératives et participatives (Scop). Celles-ci expérimentent une citoyenneté économique, qui repose sur les quatre piliers d’une gouvernance démocratique («une personne, une voix»), d’une répartition équitable des richesses, d’un épanouissement et d’une émancipation des salariés, ainsi que d’un impact social, environnemental et territorial de l’entreprise.
Les Scop offrent également des solutions aux enjeux de souveraineté productive et de transmission des entreprises, qui sont aujourd’hui à l’agenda des politiques publiques, comme l’illustre le rapport Draghi. La conversion des entreprises en coopératives pourrait être développée, comme en témoigne par exemple la Slovénie qui expérimente des coopératives d’actionnaires salariés grâce à la distribution gratuite de titres de propriété aux travailleurs des sociétés, financée par un prélèvement sur les bénéfices réalisés.
Les coopératives sont porteuses d’un nouveau travaillisme, qui loin de se limiter aux incantations de la sacro-sainte valeur travail, restaure la valeur du travail en lui redonnant un sens et une dignité. La démocratie au travail doit cependant changer d’échelle pour avoir des effets de système. C’est ce que démontre l’expérience remarquable de Mondragón, dans le Pays basque espagnol, où s’est structuré un riche écosystème coopératif composé de coopératives industrielles, mais aussi d’une banque coopérative, d’une mutuelle, de coopératives de consommation, de centres de recherche et développement et même d’une université coopérative". [...]